Tous les jours à Toulouse, le marché Cristal se met en place le long du boulevard de Strasbourg. Ce matin, malgré les gouttes de pluie dansant sur les pavés, le marché vibre de l’énergie de ceux qui bravent les caprices du ciel.
À la sortie du métro Jeanne d’Arc, la circulation automobile s’entremêle dans un concert de klaxons. Mais après quelques pas, les piétons entrent dans une toute autre ambiance, celle du marché Cristal. Ici, les conversations et les petits chariots s’entrecroisent en suivant le chemin des étals. Et lorsque les nuages offrent une éclaircie, les rayons de soleil illuminent cette atmosphère d’une lumière dorée.
Un lieu de rencontres et de conversations
Avec sa moustache parfaitement taillée et sa tignasse cendrée, Jean incarne l’élégance d’une époque révolue. Derrière son stand de fruits, c’est sa voix grave qui vous accueille : un bon mot, une anecdote, une jolie phrase en occitan et vous voilà conquis. Il parle beaucoup, c’est vrai, mais chaque mot fait sourire et attire la curiosité des passants. Pendant ce temps, les mains du commerçant ne chôment pas. Elles pèsent les fruits, les rangent dans des sacs, rendent la monnaie et parfois offrent une fraise ou un abricot aux pitchouns qui croisent son regard. Beaucoup de Toulousains connaissent Jean et ses histoires. On dit parfois qu’il représente à lui seul l’esprit du marché Cristal : souriant, gouailleur et généreux.
Quelques mètres plus loin, un parterre de fleurs multicolores inonde l’asphalte d’un trottoir. Au milieu de cette mosaïque se tient Claire, la fleuriste. La cascade de ses cheveux bouclés s’agite à la mesure de ses activités. Pour elle, pas de temps mort : conseiller un client, préparer une commande, couper les tiges d’un bouquet de tulipes, vendre une rose à un couple d’amoureux. De bouquets en bouquets, ses allées et venues ne s’arrêtent jamais, si bien que les autres commerçants la surnomment malicieusement « la petite abeille ».
Les cultures et les générations se croisent au marché Cristal
La pluie se fait de plus en plus forte. Les vendeurs font la grimace pendant que les clients s’éparpillent, cherchant à s’abriter. Parmi eux, un petit papi se réfugie sous un parapluie. Main dans la main avec son petit-fils, il laisse ses pensées voyager dans le passé sur fond de confidence. « Je vais te raconter une bêtise que j’ai faite il y a des années. Il pleuvait, comme aujourd’hui, et avec des amis nous nous étions mis au défi de voler des fruits sur le marché. Pour gagner, j’ai choisi de chaparder une énorme pastèque avant de partir en courant. Mais la grosse boule verte me glissa des doigts et tomba au pied d’un agent de police » raconte t-il d’un sourire malicieux. « Il t’a mis en prison ? » coupa le garçon en serrant la main de son papi. « Non, j’ai dû payer la pastèque et offrir un verre de vin au commerçant. J’aurais plutôt dû voler une pomme… ». Les rires complices de ce duo se mêlent désormais au numéro de claquettes des gouttes de pluie.
Sur le marché, un couple de touristes anglais affronte l’averse d’un pas nonchalant. Quel étrange spectacle : la langue de Shakespeare se fait entendre dans un lieu où l’on a plutôt l’habitude de parler occitan. Leur chariot à roulette remonte triomphalement les allées. Côté météo c’est toujours Waterloo, mais le couple d’outre-Manche prend le temps de s’arrêter à chaque nouvel étal. Les commerçants, beaux joueurs, leur font gouter les produits locaux en blaguant : « Welcome, lady and gentleman ! Il faut reconnaitre qu’avec cette pluie, vous êtes un peu à domicile. Mais goutez donc cette tomate made in Toulouse… » lance un maraicher avec l’accent du coin. Au marché Cristal, le sourire est désormais revenu au beau fixe.
Un article de Marie Aebi avec la complicité de Stéphane Reynier.
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